Comment j’en suis arrivé là
J’ai fait des études d’ingénieur en énergie et environnement. Contrairement à d’autres gens, le surf est arrivé assez tard chez moi. J’ai commencé à 17 ans mais je n’en faisais pas régulièrement parce que j’habitais loin de la mer. Puis, à 22 ans, il y a eu un déclic. Dès que j’en avais le temps, je partais à l’océan. J’ai eu la chance de partir en Martinique pour le travail. Là-bas, je me suis mis à surfer tous les jours et je suppose que le côté ingénieur m’a naturellement fait tanguer vers le processus de création d’une planche. J’aime apprendre, utiliser mes mains, comprendre comment on crée quelque chose.J’ai commencé à apprendre le métier en autodidacte. Au départ, je n’avais rien à part un jardin. J’ai acheté un peu de matériel et je me suis lancé. J’ai fait beaucoup d’erreurs mais c’est comme ça qu’on s’améliore. Aujourd’hui, je suis rentré en France dans le Sud-Ouest et je partage mon temps entre le métier de shaper et en faisant de la freelance en conseil environnemental.
Comment je me suis formé
Historiquement, si on remonte dans les années 90, c’était un milieu très fermé. Il fallait faire ses planches, ses erreurs et apprendre tout seul. Aujourd’hui, il y a YouTube, les réseaux, il existe aussi des structures qui se sont mises en place comme la Shaper House de Biarritz où on a accès à du matériel et des salles de découpes. J’échange avec d’autres shapers et je peux demander conseil.Je fais souvent les formes de mes planches à domicile et le reste là-bas parce qu’il faut travailler à certaines températures dans un milieu ventilé. Sans oublier que la résine peut être toxique. J’ai commencé par faire des planches pour moi, puis pour des proches, on dit souvent que pour être shaper confirmé il faut avoir fait plus de 100 planches. C’est une formation à vie, lorsque je parle à des shapers qui font ça depuis des décennies, ils me disent qu’ils apprennent de nouvelles choses tous les jours et je trouve ça génial.
Les avantages et les inconvénients du métier
Pour moi, la plus grosse satisfaction est lorsque je finis une planche. Le fait d’avoir fait quelque chose de mes mains, c’est très gratifiant comme sentiment. À la fin de la journée, je ressens une fatigue plus physique qu’intellectuelle et c’est agréable. J’aime aussi l’aspect créatif mais à la fois utile du métier. Lorsque l’on fait une sculpture, les lignes sont les lignes juste pour leur beauté, alors que lorsque l’on crée un surf, les lignes sont les lignes pour leur beauté mais aussi pour qu’il y ait une finalité dans l’eau. C’est génial de pouvoir associer l’aspect artistique au côté technique.Le côté plus difficile, je dirais que c’est lorsque je me rends compte de tout le travail que ça représente. Lorsque l’on apprend à shaper et qu’on termine enfin sa première planche, elle est loin d’être parfaite, on comprend alors qu’il y a un long chemin à faire avant de pouvoir vendre.
Le processus de création d’une planche
Tout commence avec un pain de mousse brut. J’utilise un rabot pour dégrossir la mousse et la sculpter pour en donner la forme que je souhaite. Cette étape est suivie d’une partie que l’on appelle la stratification, je pose un tissu que je vais recouvrir de résine pour faire durcir la mousse et créer le manteau protecteur de la planche. Je finis par faire des trous pour y poser les dérives et je ponce le tout. Enfin, je laisse mon côté créatif s’exprimer en faisant la partie design, je choisis la couleur, je peux y ajouter un logo… c’est comme je veux !
Les autres services que je propose
Je fais aussi des réparations et de la décoration sur des vieilles planches ou bien pour des clients qui souhaitent refaire une beauté à leur surf. J’aime le processus de redonner vie à un vieil objet. Il est possible de varier ses services, certains shapers font aussi des skateboards. Je connais même quelqu’un qui récupère des planches cassées dans les poubelles pour en faire de nouvelles et les donner à des associations d’enfants qui n’ont pas les moyens de se payer une planche.
Pour être rentable, il ne faut pas compter les heures !
Je pense qu’il faut avoir une activité secondaire au moins les premières années avant de se lancer à 100% dans le métier. Il faut savoir prendre son temps pour devenir le meilleur shaper possible, se créer son style et développer son réseau. Je préfère passer un peu plus de temps à perfectionner ma technique plutôt que d’avoir un niveau médiocre et donc moins de clients sur le long terme.Ma journée de travail commence bien avant mon arrivée dans l’atelier, je réfléchis à mes surfs, je les dessine, je pense au design, c’est un métier qui demande bien plus de 35h. Avec l’expérience, tout devient plus rapide naturellement. Une fois que le niveau est là, il est possible d’en vivre à condition de faire au moins dix planches par mois et de ne pas compter les heures.
Comment je communique mon travail
Instagram est une très bonne vitrine pour communiquer son travail étant donné qu’une planche est assez esthétique et photogénique. Mon conseil est d’être assez présent sur la plateforme. Certains shapers ont des sites internet. Pour ma part, je fonctionne surtout au bouche-à-oreille. Si les clients sont satisfaits, ils reviennent ou me recommandent à d’autres surfeurs. C’est le résultat naturel d’un travail bien fait.
De la passion mais pas de pression
Pour l’instant, j’aime partager mon temps entre mes missions en freelance et mon métier de shaper. Je fais ça par amour avant tout et ma hantise serait de me réveiller un jour et de ressentir plus de pression que de passion. Mais je ne me prends pas la tête : si dans quelques années la passion est toujours là, pourquoi pas me lancer à temps plein ! D’ici là, j’apprends, je ponce et je surfe !
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