Philippe
N°5 : Avec Philippe on parle kiosques éthiques et upcycling !

Philippe est un entrepreneur dans l'âme et jongle avec plusieurs activités : designer, co-fondateur d'une marque d'accessoires upcyclés et facilitateur visuel. Dans un des kiosques éthiques de Stalingrad à Paris, il réinvente le commerce de rue en accueillant d'autres micro-entrepreneurs. Découvrez cette belle dynamique solidaire et innovante dans ce nouvel épidose !

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Bienvenue à toutes les personnes curieuses qui aiment les belles histoires d’hommes et de femmes entrepreneurs.

Je suis Coralie, je pilote Altavia Foundation. À chaque podcast, laissez-vous embarquer dans les coulisses d’un micro-commerce et de son créateur : son quotidien, son ambition, ses freins, ses fiertés. Prêt à être inspiré ? C’est parti !

Philippe : Bonjour Coralie, merci de nous recevoir.

Nous sommes sur les bords du bassin de la Villette, à quelques mètres de votre kiosque éthique, situé sous le métro aérien Stalingrad. C’est bien ça ? Vous êtes entrepreneur, designer, co-fondateur d’une marque d’accessoires — Cachic — et également facilitateur visuel. Quelle est votre histoire, dans les grandes lignes ?

Philippe : Mon histoire commence à 8 000 kilomètres d’ici, dans la Caraïbe. Je suis né en Martinique. J’ai rejoint Paris en 1999, où l’histoire prend un autre sens : je rencontre mon épouse et je me lance dans le design graphique, tout en réfléchissant à ce que j’ai envie de construire avec Cécile, ma femme, qui est styliste en accessoires.

Un jour, en Vendée — on y allait chaque année en vacances — dans un coffee shop, on voit un sac de café magnifique. On l’achète, on se demande ce qu’on va en faire. Comme Cécile est styliste, elle me dit : « Et si j’en faisais un sac ? »

Là naît une autre histoire : la marque que nous créons ensemble, Cachic. Les histoires s’entrecroisent : le design visuel et graphique, la création d’une marque éco-responsable, et un cheminement avec tous ces projets.

Aujourd’hui, au quotidien, vous jonglez entre deux activités indépendantes : ce commerce que vous avez lancé et votre activité de facilitateur visuel. Comment se passe cet équilibre ?

Philippe : Quand vous parlez de « jongler », je pense vraiment au fait de lancer des balles. Au début, c’est difficile, puis, dès qu’on comprend le mouvement, tout devient fluide. Pour nous, c’est fluide : on a une organisation naturelle.

Depuis une dizaine d’années, on mélange design graphique, commerce, style. On nous demande souvent comment on fait, parce que monter un projet en famille n’est pas toujours simple. En fait, on ne s’est jamais posé la question : ça se fait naturellement. Chacun écoute l’autre et s’appuie sur l’expertise de l’autre.

Ça nous a menés jusqu’à ce café où nous échangeons aujourd’hui, et au projet des kiosques éthiques — un projet propulsé par une grosse assoce qui s’appelle LECANO et par la Ville de Paris — qui nous permet de mettre en avant une partie de nos projets, notamment la marque éco-responsable et le commerce qui la porte.

Revenons sur le concept de Cachic, né de l’idée d’upcycler des sacs en toile de jute. Pouvez-vous rappeler le concept et son évolution ?

Philippe : En tenant ce sac de café entre nos mains, il nous a raconté son histoire. Il venait d’Éthiopie, d’une petite production autrefois liée aux empereurs, qu’on appelle Bédabouna. On s’est renseignés, on a creusé. On s’est dit : « Et si on redonnait de la valeur à cette matière délaissée, alors qu’elle est géniale, chargée d’histoire, résistante, solide ? Qu’est-ce qu’on peut en faire ? »

L’expérience de Cécile a pris toute sa place : elle est styliste, a travaillé dans de grandes marques ; elle est « responsable du beau » à mes côtés. Moi, je m’occupe du marketing, des partenariats, de la distribution, de la recherche de matières.

On s’est demandé avec quelles matières associer cette toile naturelle et brute pour la sublimer. Cécile a pensé au cuir, à des tissus imprimés, à de la toile cirée. Elle a créé les premiers prototypes. Nous, on fonctionne en mode agile : dès qu’elle crée un proto, ma mission est d’aller le présenter. J’ai trouvé des petits marchés de créateurs ; ça a plu, ça s’est vendu. On s’est dit : « Il y a un projet, il y a des produits : allons-y. »

L’inspiration, on la prend partout. Une anecdote : un sac devenu notre « must-have », le Grand Voyageur. En rendant visite à mes grandes tantes dans le 19ᵉ, on a vu un ancien sac en cuir des années 40. On s’est dit : « Et si on créait un Grand Voyageur qui s’en inspire ? » Cécile a pris ses mesures et a décliné le modèle. On en a fait plusieurs versions : cuir, jean recyclé… La toile de jute se marie à différentes matières.

Et donc, plein de couleurs différentes — d’autant que vous fabriquez aussi à partir de chutes de tissu.

Philippe : Exactement. Le tissu arrive avec ses motifs et sublime la pièce : touche féminine, exotique, selon les imprimés.

On chine au Marché Saint-Pierre, le temple du tissu. On a aussi réutilisé des chutes de marques comme Petit Pan — à l’origine achetées pour faire des pyjamas aux enfants ! Récemment, une grande marque française d’imprimés nous a remis des chutes : on réfléchit à collaborer sur le long terme.

Vous êtes très impliqué dans votre quartier, Stalingrad (19ᵉ). Quel est l’impact des trois kiosques éthiques sur la vie locale et comment créez-vous du lien au quotidien ?

Philippe : Le quartier, c’est essentiel. On vit dans le 19ᵉ depuis 13 ans. Stalingrad, c’est juste à côté. Je prends mon skate, en cinq minutes j’arrive au kiosque.

C’est un lieu magnifique — le bassin de la Villette, la promenade — mais aussi un lieu complexe, avec un passé et un présent que beaucoup connaissent. Notre mission avec les kiosques éthiques — il y en a trois : un dédié à l’artisanat, au zéro déchet, à l’éco-responsable, et deux cantines solidaires — c’est de ramener de la vie, de l’animation, de la couleur, de la joie ; de montrer que, dans un quartier sensible, on peut faire les choses.

Et ça fonctionne : les habitants viennent régulièrement, pour manger, pour acheter un cadeau de dernière minute. Pendant la crise sanitaire, on a vu le rôle de ces petits commerces ouverts sur la rue. Les kiosques — d’anciens kiosques à journaux recyclés — donnent directement sur l’esplanade, avec le boulevard de la Villette de part et d’autre. Il y a du passage : des gens s’arrêtent, entrent, reviennent. Ça crée du lien. Ces kiosques nous permettent de rencontrer les habitants tout en testant nos projets.

Précisons qu’il n’y a pas que Cachic dans votre kiosque.

Philippe : Tout à fait. Beaucoup de marques sont passées par les kiosques ; certaines y sont toujours via leurs produits. Une marque de bougies, Le Karité ; des créations de l’ESAT — nous travaillons beaucoup avec eux (anciens « centres d’aide par le travail ») dans une logique d’inclusion ; des boissons brassées dans l’arrondissement…

Et oui, c’est très coloré : le merchandising met la couleur partout.

Parlons distribution : il y a le kiosque, un site e-commerce… D’autres points de vente ? Vos axes de développement pour 2022 ?

Philippe : Nous sommes distribués aux kiosques éthiques (Paris 19ᵉ). Nous avons un site web, cachic.com, un Instagram, et nous sommes aussi à la Boutique de l’Hôtel de Ville, face au BHV.

Le kiosque nous a donné accès à des informations qu’on n’avait pas. On a pu candidater au label « Fabriqué à Paris », attribué en 2021, puis réattribué en 2022 par la Ville — en pleine crise, ça nous a portés. Nous avons aussi signé un contrat de distribution de quatre ans avec la Boutique de l’Hôtel de Ville, un lieu génial, assez méconnu des Parisiens mais fréquenté par les touristes car adossé à l’Office du tourisme.

Pour le développement international, c’est super : avec la réouverture des frontières, nos accessoires sont présentés à une clientèle internationale, au milieu d’autres labellisés « Fabriqué à Paris » et de produits sous licence « Paris ». On verra jusqu’où cela nous mène.

C’est un bel axe. Et, en tant que Parisiens, on est ravis de voir des touristes repartir avec des produits artisanaux faits à Paris plutôt qu’avec des babioles importées. Une vraie initiative de la Mairie avec ce label.

Philippe : C’est exactement ce que nous a dit le chargé de développement de la boutique. Quand les touristes verront nos sacs, ils pourront repartir avec « un truc de Paris ». Pas du made in China. Ça ne veut pas dire qu’une fermeture éclair n’est pas fabriquée ailleurs, mais l’objet est conçu à Paris, par une Parisienne, et vendu à la Boutique de l’Hôtel de Ville. Ils nous encouragent en renouvelant la confiance via le contrat et le label.

Des entrepreneurs en devenir nous écoutent. Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Avez-vous bénéficié d’aides ?

Philippe : La difficulté est omniprésente à chaque étape de la vie : apprendre à marcher, trouver l’équilibre… J’ai réappris à aimer l’effort et à l’intégrer comme quelque chose de positif. Mon conseil : y aller, intégrer la difficulté au process.

La persévérance et la détermination sont clés, surtout dans ce monde d’immédiateté où l’on croit pouvoir tout obtenir tout de suite. L’information, oui ; l’expérience, non : elle s’acquiert dans le temps, par la pratique.

Il faut aimer ce qu’on fait. J’adore ce que je fais, et ce que nous faisons : ce n’est pas juste un projet individuel, c’est un projet commun, un projet de vie. Il faut s’appuyer sur l’amour de soi, de ce qu’on veut faire, et l’amour qu’on a à côté de soi : c’est le moteur qui donne de l’énergie le matin.

Parfois, je peux rester sous la couette ; c’est un luxe d’entrepreneur. Le repos est essentiel. Et puis, le lendemain, je bosse jusqu’à 3-4 h du matin parce que je suis « dans le flow ».

Vous avez des projets de développement en famille ?

Philippe : Oui. Pour porter le projet au début, j’étais en micro-entreprise et artiste-auteur. Maintenant, avec notre fils (20 ans), le moment est venu de passer à l’étape suivante et de nous structurer pour grandir « sans grossir ». Nous avons rendez-vous avec un cabinet d’avocats pour choisir la meilleure forme pour porter nos projets à trois associés : Cécile, Joachim et moi.

Une entreprise familiale qui existe déjà, et qui va prendre cette forme juridiquement.

Un dernier mot pour celles et ceux qui veulent se lancer en micro-activité ?

Philippe : Le petit commerce de quartier donne de la visibilité. Il faut de la patience : les gens ne vont pas tout de suite acheter, mais ils reviendront, parleront, provoqueront des rencontres. Tout se fait dans le temps : revenir à un rythme naturel, faire un pas après l’autre.

Bien sûr, certaines choses marchent tout de suite — on l’a vécu : premières semaines, premières ventes — mais ça ne garantit pas la suite. Pas de recette miracle : être présent, aimer son projet, y croire, faire preuve de persévérance et de détermination. Ça aide à tenir, à s’adapter, à chercher des solutions, parfois à transformer son offre.

Au début, nous avions beaucoup de grosses pièces. On s’est dit : « Moins accessibles pour le quartier. » On a ajouté des petites pièces, des nouveautés — par exemple les cache-pots — et on a vu plus de débit.

Croyez en vous, donnez-vous du temps, aimez ce que vous faites, communiquez. Pour moi, nous n’avons pas de concurrents : il faut sortir de l’idée que « l’autre est mon concurrent ». Chacun a son authenticité.

Votre positionnement éthique et éco-responsable vous a-t-il demandé des concessions ?

Philippe : Pas de concessions : de l’agilité. Des choix intelligents, en accord avec qui nous sommes. Je n’ai pas l’impression d’avoir abandonné quoi que ce soit.

Ce sujet rapproche les consommateurs : c’est dans l’air du temps, mais c’est plus qu’une tendance. On y est. On s’interroge sur l’énergie, la matière, l’impact de ce qu’on fait et de comment on consomme.

Avec Cachic, on met en place plusieurs projets. Ce qu’on fait avec le sac de café, on veut aussi le faire avec des gens. Personne ne veut de ce sac, mais on en voit le potentiel ; c’est pareil pour des personnes : si on voit le potentiel et qu’on a la possibilité, on les embarque dans l’équipe. Cachic est une façon de vivre, pas juste une marque.

On va terminer là-dessus. Merci beaucoup, Philippe, pour ce partage très coloré, éco-responsable et créateur de lien. À très vite sur les réseaux !

Philippe : Merci Coralie, merci Altavia Foundation, et à très bientôt, avec plaisir.

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