Yann
N°9 : Yann un épicier engagé et locavore

Rentrez dans les coulisses de Local & Vous, l'épicerie locavore de Yann Guiguen. Ce micro-entrepreneur de Saint-Ouen (93) déniche au quotidien des pépites auprès de producteurs de l’Île-de-France : un large choix de bières artisanales, de fruits et légumes bio, de produits frais, de l'épicerie salée et sucrée et même des produits cosmétiques éco-responsables ! Son leitmotiv: un micro-commerce de qualité et un sourcing produit à moins de 100 km !

Cet épisode n'est pas disponible au format vidéo. Profitez de l'écoute !
La transcription de cet épisode est en cours...

Je me suis dit : Yann, c’est peut-être le moment de revoir ta philosophie de vie et de revenir à une économie beaucoup plus locale. Et là, je me suis dit que ce serait top de pouvoir réunir tous les produits du quotidien… mais en local.

Yann : Tous les produits en Île-de-France, sauf le patron et les chips. Je suis le seul intermédiaire entre le client et le producteur. J’achète ce que je vends ; il n’y a pas de stockage. Le locavorisme, c’est défendre le territoire et les petits producteurs.

Bienvenue à toutes les personnes curieuses qui aiment les belles histoires d’hommes et de femmes entrepreneurs. Je suis Coralie, je pilote Altavia Foundation. À chaque podcast, laissez-vous embarquer dans les coulisses d’un micro-commerce et de son créateur : son quotidien, son ambition, ses freins, ses fiertés. Prêt à être inspiré ? C’est parti ! Bonjour Yann !

Yann : Bonjour Coralie !

Nous sommes aujourd’hui dans votre épicerie, Local & Vous, au 37 avenue Gabriel Péri, à Saint-Ouen. Merci de nous recevoir.

Yann : Merci à vous.

On va explorer ce qui se passe derrière cette belle activité de quartier. Comment décririez-vous votre concept ?

Yann : C’est une épicerie locavore. « Locavore », c’est local + « vore » (manger) : manger local. Le terme est né aux États-Unis au début des années 2000 pour inciter à consommer des produits provenant de moins de 250 km de là où l’on cuisine. C’est arrivé ensuite en France. Moi, j’ai choisi de me concentrer sur l’Île-de-France : tous les produits viennent de moins de 100 km de Saint-Ouen, en direct des producteurs. Soit ils me livrent, soit je vais à leur rencontre.

Comment est née l’idée de l’épicerie ?

Yann : C’est né un peu avant le confinement, mais ça a vraiment pris de l’ampleur pendant la crise du Covid. On a vu des supermarchés dévalisés alors qu’on avait des productions existantes en France. Paradoxe : des rayons vides de tomates alors qu’on cherchait des gens pour ramasser les tomates françaises — il n’y avait plus de main-d’œuvre. À ce moment-là, je travaillais dans le tourisme pour un tour-opérateur « aventure » (trek, randonnées). J’étais spécialiste de l’Afrique. L’activité s’est arrêtée, on a été mis au chômage partiel à 100 %. Je me suis dit : c’est le moment de revoir ta philosophie de vie — prendre moins l’avion, émettre moins de CO₂, revenir à une économie locale. C’était important pour moi de laisser une trace utile et de créer une société qui me ressemble, née de mes valeurs.

L’entrepreneuriat vous attirait déjà ?

Yann : Oui, c’était dans un coin de ma tête : être libre de créer et de faire comme on l’entend. Je n’étais pas spécialement formé, mais j’avais des notions.

Selon vous, qu’est-ce qu’une bonne épicerie ?

Yann : Du point de vue client : trouver des produits qualitatifs et, pour moi, y ajouter le côté local. Ça fait plaisir d’acheter à des producteurs d’à côté. On doit trouver un peu de tout, comme dans un petit supermarché. Pendant la crise Covid, j’ai travaillé en petit supermarché pour m’imprégner du métier ; c’est là que je me suis dit : ce serait top de réunir tous les produits du quotidien… mais en local.

Décrivons vos rayons. On commence par les boissons ?

Yann : Bières locales de micro-brasseries (dont une bière de Saint-Ouen), brasseries de la petite couronne, Terres à Bière, Montreuil, Oise, et une nouvelle brasserie qui arrive. Boissons : sodas, jus, matés, kombuchas. Bien sûr, du vin. Et même du champagne : l’appellation déborde un peu sur la Seine-et-Marne, avec une maison qui fait un très beau champagne à Saâcy-sur-Marne.

Pour le vin, c’est particulier : on replante de la vigne en Île-de-France. Au XVIIIᵉ siècle, le vignoble francilien était le plus important de France, devant la Bourgogne et le Bordelais. Il y a eu des maladies, tout a été coupé, mais aujourd’hui on replante. Les productions restent infimes ; certains vont vendanger en Anjou, en Loire, puis vinifient ici. On commence à avoir des vins IGP (indication géographique protégée).

Apéro : terrines, tartinables, crackers, chips. Comme j’aime le dire : « Tout est produit en Île-de-France, sauf le patron et les chips ». Moi, parce que je suis breton ; les chips, parce qu’il n’y a pas de fabricant en Île-de-France. Mais je ne les ai pas cherchées loin : c’est un maraîcher près de Reims qui les fait.

Côté sucré : bon chocolat, biscuits, confitures de Vincennes.

Produits « Marco Polo » (qu’on ne produit pas en France) : café torréfié en Île-de-France ; thé assemblé et conditionné ici ; chocolat transformé et torréfié ici.

Et des graines : on fait de la graine de chia en Île-de-France ! Aussi du quinoa, de la lentille, du pois chiche. Ça montre des fermes loin de la monoculture, qui misent sur la diversité.

Vous avez aussi une belle offre de crèmerie.

Yann : Deux fermes laitières — La Tremblaye et Grignon — proposent fromages (chèvre, vache), yaourts, fromage blanc, crème fraîche. Et une Italienne des Pouilles installée à Paris nous prépare de super pâtes fraîches, mozza, burrata et stracciatella.

S’installer ici, où beaucoup cherchent des prix bas, c’était une prise de risque. Comment l’avez-vous appréhendé ?

Yann : J’ai la chance d’être sur l’avenue commerçante principale, avec beaucoup de passage. Ma clientèle est très mixte, tous niveaux sociaux : c’est déjà une réussite. Le pouvoir d’achat à Saint-Ouen augmente : banlieue proche, beaucoup de constructions, des gens s’installent pour avoir une pièce de plus qu’à Paris, même si les prix se rapprochent.

Et le locavore n’est pas forcément plus cher : pas d’intermédiaires, moins de transport, pas de gaspillage (j’achète ce que je vends, pas de stockage). L’idée que « l’épicerie locavore, c’est cher » est une fausse idée — il faut sensibiliser.

Une bonne épicerie, c’est aussi le conseil : expliquer comment sont produits les denrées, avec qui je travaille (j’adore parler des producteurs), expliquer les prix et surtout la juste rémunération du producteur. C’est très important pour moi.

Comment sourcez-vous vos producteurs ? Vos critères ?

Yann : Premier critère : la localité (100 km autour, donc l’Île-de-France). J’ai beaucoup travaillé avec le label « Produit en Île-de-France », mis en place par la Région. J’ai listé les produits qui m’intéressaient, puis je suis allé rencontrer les producteurs. Mes choix se font sur la qualité, le prix et le feeling humain. Les relations humaines comptent : chacun a son histoire, son projet d’impact environnemental, sa manière d’utiliser la matière première.

Beaucoup de bio… mais pas seulement ?

Yann : Oui, beaucoup de bio, même si le débat est complexe. Il y a mieux que le bio : par exemple « Nature & Progrès » ; le bio veille aux produits, « Nature & Progrès » veille aux produits et à la terre. Certains ne sont pas labellisés bio mais travaillent en bio : le label a un coût (audit, étiquetage, packaging), lourd pour les petits producteurs. Mes producteurs sont des petites entreprises familiales, pas des grands groupes.

Vous soutenez donc ces petites entités.

Yann : Tout à fait. Le but du locavorisme, c’est de défendre le territoire et les petits producteurs.

Avant l’été, vous avez lancé une offre fruits & légumes de saison hebdomadaire. Ça continue ?

Yann : Oui, je les reçois tout à l’heure. On est uniquement sur des produits de saison et du coin : melon et pastèque d’Essonne, vrai champignon de Paris (intramuros) avec La Caverne. Je travaille avec la coopérative Bio Île-de-France, qui met en avant les maraîchers autour de nous. Réception hebdomadaire, le mardi ou le jeudi.

Succès au rendez-vous ? Vous avez ouvert en avril, c’est bien ça ?

Yann : Tout à fait. Et tu peux voir : mes rayons fruits & légumes sont vides, tout est parti. Les prix sont très abordables, sans intermédiaire. Je fais attention à rester compétitif ; je veux que les fruits & légumes restent mon prix d’appel pour attirer des publics variés.

Quels outils de communication utilisez-vous pour fidéliser une clientèle locale ?

Yann : Les réseaux sociaux, surtout Instagram et Facebook. J’essaie d’y être tous les jours : nouveaux produits, recettes, petits quiz, focus producteurs, avec des thématiques pour intéresser tout le monde.

Il y a aussi un site internet (vitrine) : c’est important pour le référencement quand on cherche une épicerie locale.

Des projets de livraison à domicile ?

Yann : J’aimerais. À moyen terme : transformer le site vitrine en site marchand, avec click & collect et livraison.

Pour les futurs entrepreneurs : quelles épreuves vous ont fait grandir ?

Yann : Il faut être super motivé : il y aura des hauts et des bas, des moments de découragement. Il faut être entouré et partager son projet avec ses proches : ce sont les premiers challengers.

L’administration française est complexe pour créer une société : beaucoup de paperasse. Il ne faut pas rester seul : il y a des structures qui aident (Chambre de commerce, associations, acteurs territoriaux comme Plaine Commune). Écouter des podcasts… ça aide aussi !

Satisfait des accompagnements ?

Yann : Oui, très content de l’aide de la CCI. Je recommande la formation « 5 jours pour entreprendre ». On y rencontre des pros : experts-comptables, banquiers, marketeurs…

Pour le plan de financement, il faut voir plusieurs banques. Le banquier doit comprendre votre projet, être à l’écoute et disponible. Le feeling compte, en plus du taux et du montant.

Vous avez eu recours à un prêt bancaire ?

Yann : Oui : prêt bancaire, financement de Plaine Commune, Bpifrance et apport personnel. Ça correspondait à ce que j’avais prévu.

Dernière question : les vacances ! À la rentrée de septembre, ce n’est pas évident pour un solo-entrepreneur de partir… Comment ça s’est passé ?

Yann : Compliqué ! J’ai décidé un mois avant, encouragé par les bons résultats d’avril, mai, juin, puis juillet. Mon exercice était pensé sur 11 mois : j’avais cette respiration prévue. J’ai fermé trois semaines en août. À Saint-Ouen, l’activité redescend, beaucoup partent.

J’en ai profité pour voyager dans trois régions : Côtes-d’Armor (ma région), Var et Corrèze. Je me suis dit : profitons du trajet pour ramener quelques pépites — de la spiruline bio des Côtes-d’Armor, de la bonne huile d’olive du domaine de mon père dans le Var (on me la demandait, et il n’y a pas d’oliviers en Île-de-France), et des produits de canard d’une ferme qu’on aime, La Cura.

On a un gros problème sur le canard en France (grippe aviaire) : énormément d’animaux ont été abattus, même les canetons. Les éleveurs prennent presque un an de retard et tournent sur stock. Période très compliquée. C’était important pour moi de soutenir ces producteurs et d’avoir leurs produits en boutique.

Engagé jusqu’au bout, même en vacances. Merci beaucoup, Yann, pour ces retours d’expérience. C’était un plaisir d’échanger avec vous dans cette belle épicerie de Saint-Ouen.

Yann : Merci beaucoup, Coralie. À très bientôt.

Notre forum de discussion

0 Commentaires

Actuellement actif : 0
Votre expérience est une ressource inestimable, partagez-la !
Loading
Quelqu'un rédige
This is the actual comment. It's can be long or short. And must contain only text information.
(modifié)
Votre commentaire apparaîtra une fois validé par un modérateur.
This is the actual comment. It's can be long or short. And must contain only text information.
(Modifié)
Votre commentaire apparaîtra une fois validé par un modérateur.
Charger plus
Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.
Charger plus

Vous aimerez aussi...

26 min

N°42 : Lola, fondatrice de Salive Paris

Découvrir
40 min

N°41 : Dorra fondatrice de Qaws et Ebniecolofrance

Découvrir
20 min

N°40 : Émilie et Lalatiana fondatrices de Café Way of Life

Découvrir
40 min

N°39 : Anne-Marie, fondatrice de Perles Rares Djonou

Découvrir