N°16 : Édition spéciale #SmallisBig, découvrez notre table ronde

À l’occasion de notre événement #smallisbig le 27 juin dernier, nous avons organisé une table ronde sur le thème « Audace et entrepreneuriat » avec des invités de marque : Florence Servan-Schreiber, auteure de best sellers sur la psychologie positive, Hawa Koulibali, une entrepreneure, et enfin Samy Bouguern, formateur et coordinateur au sein de l’association Les Déterminés.

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Coralie : Bienvenue dans le podcast « À vous le micro-commerce », créé par Altavia Foundation et microco.com. Aujourd’hui, édition spéciale : nous vous partageons le replay de la table ronde du 27 juin 2023 à Saint-Ouen, lors de notre festival « Small is Big ».

Cette table ronde traite de l’audace et de l’entrepreneuriat, avec des regards croisés d’auteure, conférencière, entrepreneure et accompagnateur terrain. Très bonne écoute.


Coralie : Pour commencer, je vous présente nos intervenants : Florence Servan-Schreiber — on peut l’applaudir —, Hawa Koulibali et Samy Bouguern.

Alors, qu’est-ce que l’audace ? D’où vient-elle et à quoi sert-elle ? Nous allons explorer ce vaste sujet.

Florence Servan-Schreiber, vous êtes auteure, conférencière, formatrice, et entrepreneure. Vous avez créé la Trois Kiffs Académie et, depuis des années, vous diffusez et vulgarisez la psychologie positive — avec beaucoup de finesse. Récemment, vous vous penchez particulièrement sur l’audace : voilà pourquoi vous êtes là.

Hawa Koulibali, vous êtes fondatrice d’Akadi, une épicerie fine aux saveurs subsahariennes. Vous avez suivi le programme Les Déterminés. Vous vous êtes lancée après avoir accompagné des lycéens et des étudiants en indépendante, puis en consultante : c’est donc votre troisième entreprise.

Samy Bouguern, vous êtes formateur, animateur du podcast des Déterminés — formidable acteur de terrain — et coordinateur du sourcing au sein de l’association. Vous êtes également président d’un club de foot à Rouen. Vous avez aussi créé une entreprise, WikiX, et été lauréat « Talents des Cités ». Enfin, vous enseignez à NEOMA Business School.

Ce qui est frappant : je fais face à trois entrepreneurs, mais aussi trois accompagnants et coachs. Depuis le départ, vous êtes altruistes, tournés vers les autres, avec l’envie d’aider ceux qui vous entourent à se lancer. On démarre ?

Coralie : Florence Servan-Schreiber, allons droit aux définitions. Qu’est-ce que l’audace et en quoi se différencie-t-elle du courage ?

Florence Servan-Schreiber : L’audace n’est pas le courage — c’est sans doute la distinction la plus simple. Le courage, nous le convoquons quand c’est nécessaire : pour sauver notre peau, faire face à l’adversité. L’audace, elle, peut se définir de multiples façons — en psychologie, en philosophie. J’aime la perspective mythologique : je me suis demandé si les dieux et déesses étaient audacieux. En fait non, car ils sont immortels. L’audace est une force que nous déployons pour aller à l’encontre de certaines choses, dans un but : nous donner plus de vie. Le courage sauve la vie ; l’audace nous fait gagner de la vie — en intensité, en expérience, en plaisirs… et en difficultés aussi, mais incroyables.

Coralie : Sommes-nous tous égaux face à l’audace ? Existe-t-il des « terrains » qui la favorisent ?

Florence Servan-Schreiber : Nous ne sommes égaux devant rien — ce n’est pas propre à l’audace. Il y a des tempéraments, des goûts du risque, un rapport à la conformité. On me demande parfois : « Peut-on préparer son enfant à l’audace ? » Ma réponse est… de lui foutre la paix. L’audace est un choix personnel, lié à notre tempérament, à nos situations, à nos appétits. Plus on dit à quelqu’un « tu devrais faire ceci », moins il en a envie. Laissons émerger ce qui vient. Je n’ai donc pas trois ingrédients magiques ; en revanche, il y a des motifs qui nous incitent à l’audace — on y reviendra.

Coralie : Fondatrice de la Trois Kiffs Académie et formatrice, vous êtes une cheffe d’entreprise créative qui se renouvelle sans cesse. Quel est votre secret ? Comment avez-vous été chercher l’audace à différents moments de votre carrière ?

Florence Servan-Schreiber : Mon secret, c’est l’ennui. Dès que je m’ennuie, j’ai besoin de faire autre chose. Ce renouvellement n’est pas qu’auto-induit : les circonstances extérieures nous obligent à rester sur la pointe des pieds. Ce qui me porte, c’est une immense curiosité. J’ai besoin d’apprendre ; quand j’apprends, j’ai envie de transmettre. L’académie s’est développée par briques : formations, tutoriels, accompagnements, écriture…

Avais-je une vision ? Non. Je n’ai jamais de plan au-delà de « tout de suite ». On nous intime de faire du marketing parfait — cible, besoin, etc. —, je n’ai jamais fonctionné ainsi. Comme dit mon cousin : « Si tu n’as pas de business model, il finira par te trouver. » Tout n’a pas réussi, soyons clairs, mais tout est venu du désir de faire. La psychologie positive s’occupe de l’épanouissement, pas de la guérison : nos morceaux les plus valides nous permettent d’aller mieux. C’est accessible à toute personne vivante.

Coralie : L’audace est-elle plus forte après un échec ou face au vide quand il faut se lancer ?

Florence Servan-Schreiber : Parler de ce qui induit l’audace aide. L’audace naît du réflexe de franchir une barrière — au-dessus ou au-dessous. Il y a parfois de l’insolence : l’envie de faire autrement, d’aller à contre-courant. Il y a aussi l’attrait — ou la peur — du vide. On cite souvent le parachute : je l’ai fait, et je me suis bien rétamée à l’arrivée faute d’avoir bien écouté les consignes ! J’y suis retournée plus tard avec ma fille. Mais l’acte le plus audacieux que j’aie fait, c’est marcher sur le feu. C’est dangereux, a priori impossible — et pourtant. L’avoir fait à 19 ans m’aide depuis : quand un client m’intimide, une petite voix me dit « Qui a marché sur le feu ? » C’est une métaphore utile. L’audace est une opposition, là où le courage relève d’une obligation. Cette opposition, j’aime ça.

Coralie : Merci. Hawa Koulibali, chez vous, l’audace semble être de « pousser des portes » depuis toujours. Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

Hawa Koulibali : Merci pour l’invitation. Mon histoire, c’est celle d’une petite fille qui avait des rêves et qui a compris qu’il fallait plus que du courage : il fallait y aller — pousser des portes, creuser, sauter. Aujourd’hui, je suis fondatrice d’Akadi. Demain, je me définirai peut-être autrement ; l’essentiel est de mettre du sens dans ce que je fais et de servir une cause qui m’anime. À chaque fois, j’y vais.

Coralie : Une intervenante du BCG définissait l’audace comme un mélange de désir de se lancer, passage à l’action et prise de risque — sinon on devient « tête brûlée ». Comment cela s’est-il articulé chez vous ?

Hawa Koulibali : Au départ, on n’est pas très méthodique. La méthode est venue avec la confiance et la connaissance de soi : comprendre mes besoins, anticiper, éviter de reproduire les erreurs. Définir un plan d’action adapté à moi. Comme pour le parachute : la deuxième fois se passe mieux — on apprend sur le terrain.

Coralie : L’envie de vendre des épices et produits de vos origines était-elle ancrée depuis toujours ?

Hawa Koulibali : Pas spécifiquement les épices ; c’était surtout l’envie d’entreprendre et de travailler au service de quelque chose qui me ressemble. En quête de sens, j’ai posé les lignes : Hawa Koulibali, franco-ivoirienne, fille de traiteur… qui n’aime pas trop cuisiner ! Donc pas traiteur. Consommatrice d’épiceries fines, dans la cible : l’addition s’est faite naturellement. J’ai frappé à la porte des Déterminés qui m’ont accompagnée six mois pour formaliser. On a lancé il y a un an et ça se passe très bien. Et je m’autorise à arrêter si un jour ça ne me correspond plus.

Coralie : L’accompagnement des Déterminés a été un tournant. Qu’en retenez-vous ?

Hawa Koulibali : C’est à la fois théorique et pratique. La théorie, je la connaissais en partie ; la pratique m’a appris sur moi. L’entrepreneuriat est une école : il y a des codes. Je les ai appris, puis équilibrés avec qui je suis. J’ai pris ma place, accepté d’aller à contre-courant. Si j’avais créé une marque comme toutes les autres, Akadi n’existerait pas. Aujourd’hui, je dis fièrement qu’Akadi fait de l’épicerie fine au service des terroirs d’Afrique subsaharienne — chose encore rare.

Coralie : Une anecdote illustre bien cette audace : le pitch dans le métro

Hawa Koulibali : Chez Les Déterminés, c’est un baptême du feu. Un matin, on descend dans le métro : visages fermés, il faut capter, expliquer, intéresser — une station pour y parvenir. Cet exercice fait sortir de sa coquille. Le seuil de tolérance monte, on se dit « je peux pousser encore ». On réalise que les limites ne sont pas les nôtres mais souvent celles posées par les autres. Si on me ferme la porte, je passe par la fenêtre.

Coralie : Merci Hawa. Samy Bouguern, vous êtes touche-à-tout, comme Moussa Kamara, fondateur des Déterminés. L’esprit entrepreneurial, ça vous parle forcément. Qu’est-ce qui vous anime ?

Samy Bouguern : L’entrepreneuriat ne se limite pas à créer une entreprise. Il se superpose à la conduite du changement : intrapreneuriat, projets sociaux, associations… Chez Les Déterminés, tout part de Cergy. Moussa, président-fondateur, est audacieux depuis toujours. Enfant, avec ses amis, ils repeignaient les murs des HLM l’été puis allaient voir le bailleur : « On a travaillé, payez-nous. » Ça m’a parlé : très jeune, on faisait des chantiers d’insertion pour financer des vacances. Faire, passer à l’action, bouger, grandir — on a grandi avec ça. L’association est née pour développer cet esprit entrepreneurial dans les territoires : quartiers prioritaires et milieux ruraux, avec leurs problèmes de mobilité, etc., pour accompagner un maximum de personnes.

Coralie : Vous êtes aussi passionné de foot et président d’un club à Rouen. Quel parallèle entre aider à l’entrepreneuriat et coacher des jeunes ?

Samy Bouguern : J’ai arrêté de coacher quand j’ai repris la présidence du club, à 26 ans, avec 400 licenciés : c’était audacieux. Beaucoup me disaient « trop jeune ». Gérer une association, c’est être entrepreneur : communication, financements, satisfaction des bénéficiaires. Le club sortait d’un redressement judiciaire (2008) et d’une mauvaise image de quartier. On a redressé l’image grâce au travail — une vraie démarche entrepreneuriale.

Coralie : Qu’est-ce qui fait le succès des Déterminés, en pleine croissance ? Quelques chiffres ?

Samy Bouguern : Notre succès, c’est l’ADN de Moussa : authenticité, parler à tout le monde avec le même respect. On met le temps à la personne. En huit ans, nous avons accompagné 1 200 entrepreneurs. En 2023, plus d’une quinzaine de promotions, et nous allons doubler en 2024.

Coralie : Comment stimulez-vous l’audace dans les programmes ?

Samy Bouguern : Dès le départ, on travaille la créativité. Trois jours de « SAS » — une pré-sélection — où l’on ne connaît ni le projet ni le background : on se concentre sur la personne. Le projet est un prétexte amené à évoluer. On cherche la capacité à exécuter une idée. L’audace commence par la créativité — que l’enfant possède et que l’on perd avec les codes. Garder ce côté créatif rend plus audacieux.

Coralie : L’audace n’est-elle pas devenue une injonction de plus pour les entrepreneurs ?

Florence Servan-Schreiber : Quand on est entrepreneur, on ne se dit pas « aujourd’hui, c’est la journée de l’audace ». On fait, sans balise. Les accompagnements comme Les Déterminés sont des tremplins. L’important, c’est la personne : ce qu’elle saura faire aujourd’hui, demain, puis avec d’autres projets. Être entrepreneur, c’est inventer sa feuille de route — et interagir avec des humains. Rien que pour ça, il faut de l’audace.

Hawa Koulibali : Audace et entrepreneuriat sont liés par la prise de risque. On accepte de ne pas se conformer. Être accompagné aide à se préparer. Même quand on se trompe, on apprend et on gagne toujours un peu.

Samy Bouguern : D’accord, mais l’audace doit être équilibrée par d’autres compétences. Trop d’audace augmente le risque d’échec — comme le culot mal perçu. Il faut trouver le juste milieu.

Florence Servan-Schreiber : L’audace est désirable : tout le monde veut l’être davantage. Il y a aussi une audace sociale : dire qu’on n’est pas d’accord, renvoyer une balle. C’est de l’énergie vitale. Et l’intrapreneuriat compte : faire à sa manière, où que l’on travaille. Sinon, on dépérit — on l’a vu depuis le Covid.

Sur l’âgisme : on m’a dit souvent « trop jeune », et demain « trop vieille ». Au nom de quoi ? L’important est de laisser s’exprimer l’énergie. Je testerai la suite !

Coralie : Dernière question avant les questions du public : aujourd’hui, l’audace n’est-elle pas… ralentir ?

Hawa Koulibali : Ralentir pour mieux sauter. Trop d’audace tue l’audace. Organiser, préciser le plan d’action, temporiser l’énergie — puis y aller mieux.

Samy Bouguern : Dans un monde d’accélération, ralentir est audacieux. Pas de honte à être petit. Beaucoup de startups accélèrent, lèvent des fonds, puis se crashent. Ajoutons la dimension environnementale : posons les bonnes questions, acceptons de souffler. Même sur l’IA, certains ont proposé une pause pour réfléchir.

Florence Servan-Schreiber : Le rythme est personnel. Me demander de ralentir ? Non. En revanche, j’essaie d’élargir : intégrer l’environnement, la planète, l’humanité — inclure d’autres raisonnements. Ça peut donner l’impression de ralentir, mais c’est surtout ajuster son regard.

Coralie : Place aux questions !

Public : Être audacieux, est-ce être ambitieux ?

Florence Servan-Schreiber : Il y a de l’ambition dans l’audace — l’ambition de vivre plus. Être audacieux n’assure pas la réussite, mais aide à réussir : au moins, on se lance et on met le pied dans l’eau froide.

Public : L’audace peut-elle être bridée par le déterminisme social ?

Samy Bouguern : Oui, en partie. Sans capital culturel, social, économique, c’est plus compliqué. On manque de références. J’avais l’esprit entrepreneurial, mais sans mots pour le dire. Dans des familles de commerçants, c’est plus facile. Il y a une part innée et une part environnementale.

Hawa Koulibali : Pour moi, c’est un oui franc. Réseaux, codes, moyens : sans eux, on peut se crasher, même avec l’envie. C’est pour cela que la mission des Déterminés est si forte.

Public : Y a-t-il plus d’audace chez les hommes ou chez les femmes ?

Samy Bouguern : Difficile à trancher. Mais la société bride davantage les filles par des injonctions (« ce n’est pas pour toi »). On doit travailler très tôt à déverrouiller cela.

Aux Déterminés, 64 % de nos participants sont des femmes — notre ADN leur parle.

Public : Dans l’enseignement supérieur, on n’apprend pas à être entrepreneur mais salarié.

Samy Bouguern : C’est vrai. On travaille avec l’Éducation nationale, notamment autour de la réforme du lycée professionnel, pour insuffler l’initiative et l’éducation financière. Et je glisse un clin d’œil à notre podcast « Génération déterminée » : on y parle d’initiative au sens large — pas seulement d’entrepreneurs.

Coralie : Une dernière : comment devenir plus audacieux au quotidien ?

Florence Servan-Schreiber : En musclant l’audace : choisir un plat jamais goûté, apprendre quelque chose de nouveau en ligne, s’exposer au non-savoir et accepter les heures de vol nécessaires. Quels que soient nos « bocaux » de départ, nous pouvons décider d’essayer autrement.

Coralie : Merci à toutes et à tous. Small is Big, c’est démarrer : chaque voyage commence par un petit pas. Réfléchissez à votre propre audace et à votre histoire. Merci !

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